Marchés émergents : ce qu'il faut savoir avant d'investir

Publié le par NASSEF Shaimaa

Les marchés émergents redeviennent un placement à la mode. Oublié le mini krach qui a affecté ces bourses après la crise mexicaine de 1994. Investir en Amérique latine, en Asie ou dans les pays de l'Est serait aujourd'hui le placement qui permettrait de relayer le manque d'opportunités des marchés actions après la forte hausse de ces derniers mois et obligations compte tenu de la faiblesse des taux occidentaux. La corrélation de plus en plus grande entre les marchés développés oblige également dans un véritable souci de diversification de son patrimoine, à rechercher des bourses moins dépendantes de Wall Street comme peuvent l'être les bourses brésilienne, tchèque, taïwannaise, indienne ou encore égyptienne.

A l'appui de cette thèse de plus en plus largement répandue, des données macro-économiques. Ces pays en voie d'industrialisation représentent 80 % de la population mondiale, 20 % des richesses produites et seulement 6 % de la capitalisation mondiale.

 Une opportunité de diversification

 Pour financer leur croissance, ces économies ont un besoin de capitaux important qui ne peut être satisfait par l'épargne interne. Les dirigeants ont été ainsi amenés à développer un marché obligataire et à donner pour attirer les investisseurs étrangers privés, des rendements élevés. ' C'est actuellement la seule classe d'actif à servir un rendement à deux chiffres ' relève Xavier Lépine, président du directoire de FP Consult, la filiale de Fimagest spécialisée sur les marchés émergents.

 L'intérêt de ces marchés réside également dans leur plus ou moins grande corrélation au marché américain. Ceux qui ne le sont pas constituent pour un investisseur privé européen, une opportunité de diversification et donc de diminution des risques. Ceux qui le sont, servent au contraire à ' booster ' la performance par rapport à celle attendue sur les marchés développés.

 Certains de ces pays émergents ont atteint un niveau de développement difficile à remettre en cause. Rothschild & Cie Banque classe ainsi les pays en quatre catégories :

 - les pays comme la Bulgarie ou le Vietnam où l'investissement est prématuré, les rendements n'étant pas à la hauteur des risques pris, les risques politiques et économiques sont élevés, l'inflation forte.

 - Les pays où il faut aller de façon sélective comme la Russie, le Venezuela ou la Roumanie : des réformes favorables à l'activité des marchés ont été entreprises, les rendements sont hauts...

 - Les pays auxquels un investisseur dynamique a tout intérêt à s'intéresser comme la Pologne, la République Tchèque, la Hongrie, l'Argentine, le Pérou, le Brésil, la Colombie, l'Afrique du Sud, le Mexique : les structures économiques et politiques sont saines.

 - Les pays déjà développés qui ne présentent pas plus de risque que les marchés occidentaux et qui ont les rendements des pays émergents comme le Chili, le Portugal et la plupart des pays d'Asie. Les opportunités d'investissement y sont plus faibles car ces marchés sont déjà bien valorisés. Le risque de correction est toujours possible.

 Aussi les gestionnaires concentrent-ils leurs investissements sur la deuxième et troisième catégorie.

 Des marchés risqués

 Reste que ces pays présentent deux types de risque. Un risque pays tout d'abord. Personne n'avait vu venir la crise mexicaine lorsqu'elle s'est produite en 1994 / Dans leur ensemble, ces économies restent fragiles, au développement assis sur un petit nombre de produits, aux financements mal assurés.

 Ces marchés sont ensuite très volatils. Soumis au comportement des investisseurs étrangers, ils sur-réagissent à la hausse comme à la baisse.

 Aussi, l'investissement sur les pays émergents doit s'intégrer dans une politique d'internationalisation de son patrimoine. Il peut représenter entre 5 et 15 % du portefeuille selon la taille de ce dernier mais difficilement plus. Les fonds anglo-saxons qui ont une approche indicielle de leur diversification y consacrent entre 3 et 7 % tandis que certains clients privés britanniques n'hésitent pas à monter à 25 %.

 Face à cette réalité, deux attitudes sont possibles : investir dans une perspective de long terme comme c'est le cas de la banque Rothschild & Cie avec le fonds Five Arrows Global Emerging Markets Fund ou adopter une approche court terme comme celle retenue par FC Consult avec le fonds Rendement Emergent lancé en mars dernier. Deux démarches qui aboutissent à une allocation d'actifs sensiblement différente. Avec ce point commun que ces deux établissements abandonnent la stratégie courante d'investissement par pays ou par continent pour adopter une approche globale de ces marchés.

 Rothschild & Cie Banque a choisi de constituer un fonds actions ' pur ' c'est-à-dire investi à 100 % afin de pouvoir être intégré dans une gestion mondiale de portefeuille. Pour ce faire, la banque a adopté une approche de valorisation du capital sur la durée qui s'appuie sur une méthode se sélection des marchés et des titres en quatre étapes : une étude tout d'abord de l'environnement général et des données macro-économiques du pays, des prévisions de marchés, une analyse sectorielle et enfin une sélection fine des valeurs (voir encadré). Une approche de terrain réalisée par une équipe de trente-cinq gestionnaires basée à Londres.

 Une stratégie opportuniste

 A l'opposé, FP Consult a choisi une stratégie qui relève davantage de la méthode utilisée dans les fonds d'arbitrage que dans les fonds classiques. ' C'est une stratégie opportuniste qui entend bénéficier des mouvements de correction dans les deux sens ', explique Xavier Lépine. Une stratégie qui implique une grande mobilité d'une bourse à l'autre et qui repose sur une vision globale des marchés et non pas régionale. ' La maîtrise du risque se fait parla diversification des placements entre les pays et les règles strictes que nous nous sommes fixés. Nous nous désengageons par exemple dès que le marché d'un pays sur lequel nous sommes investis baisse de 3 % mais en tout état de cause au plus de 5 %. ' Le fonds s'est en effet fixé un objectif de rendement de 12 % l'an en franc français avec une volatilité du même ordre que celle prise parfois sur les obligations occidentales (inférieure à 10 %).

 Quoi qu'il en soit, ce type d'investissement repose sur la confiance que l'on a dans l'établissement gestionnaire, du style de gestion retenu et plus encore du gérant. Chaque établissement définit sa propre méthode ce qui rend difficile les comparaisons de performances. Tous placent néanmoins les pays émergents comme un élement de diversification indispensable pour tirer la performance de son portefeuille et diversifier les risques. La prime revient aux plus professionnels car moins que les autres, sauf à avoir de bonnes informations ou une intuition géniale jamais démentie ou encore être décidé à jouer des ' coups ', les investissements sur les marchés émergents exigent une connaissance, une disponibilité et une compétence élevées pour maîtriser le fameux couple rendement-volatilité qui permet de gagner sans trop craindre de perdre.

 

 

 

 

 

DEUX STRATEGIES OPPOSEES

 

 

FP Consult : un pari sur les dettes : Si Xavier Lépine reconnait que les actions des marchés émergents devraient ' sur-performer ' les rendements tirés d'une gestion obligataire, il n'en préfère pas moins investir 78 % de son portefeuille sur ces dernières compte tenu du degré de liquidité souvent faible des actions des sociétés de ces pays nouvellement industrialisés et de la difficulté d'exercer un contrôle approfondi de leur stratégie.

 Xavier Lépine croit que la hausse des taux américains est la première d'une série et investit en conséquence 50 % en obligations libellées en dollars. Le président du directoire de FP Consult constate d'autre part l'émergence d'un marché de la dette en monnaie locale. Il s'agit cette fois d'investir sur des emprunts contractés par les entreprises elles-mêmes sur leur propre marché.

 Sur le marché des actions, FP Consult joue au Brésil les privatisations, la reprise de l'économie et la tendance à la baisse des taux, en Russie les valeurs moyennes, les titres composant l'indice ayant beaucoup monté, à Taiwan une situation de liquidité exceptionnelle... et conserve 4 % en trésorerie pour prendre position dans les prochains mois sur l'Indonésie et la Turquie dès que des opportunités se présenteront.

 Rothschild & Cie Banque :

 La prime à la sélection de valeurs

 Une fois qu'un pays a satisfait aux deux premières étapes de selection : jouir d'un environnement général favorable (une inflation en voie d'être maitrisée, des taux en baisse, des réformes entreprises, un endettement raisonnable) et des prévisions de marchés optimistes, l'équipe de gestion de Rothschild & Cie Banque se livre à une analyse des secteurs porteurs puis des valeurs. Une analyse qui l'amène aujourd'hui à recommander en Hongrie le secteur pharmaceutique avec une entreprise comme Egis, détenue à 51 % par le groupe français Servier. ' Le taux de croissance de ses marges ne cesse d'augmenter, les exportations représentent 45 % de son chiffre d'affaires et sont réalisées pour leur grande part avec les pays occidentaux, la société dispose de débouchés à l'Est '. De même la banque recommande le leader polonais de la production de pièces en caoutchouc, Stomil Sanok, le leader mexicain de la construction de logements au Mexique Geo et son homologue argentin Irsa, la compagnie de téléphone brésilienne Telebras, la société de raffinerie de pétrole chinoise Zhenhai Refinery and Chemical ou encore le seul manufacturier de produits intermédiaires en aluminium philippin, Reynolds.

 

AUTEUR: Laurence ALLARD

 Le Figaro 25 avril 1997

 

 

 

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